Les femmes appelées à dénoncer les violences armées conjugales
Au Burundi, certaines femmes ont développé une mentalité selon laquelle elles sont inférieures aux hommes. C’est ainsi qu’elles n’osent pas dénoncer les violences conjugales armées qu’elles subissent. La préoccupation a été soulevée le 1er septembre 2022 par l’Association des femmes unies pour la paix dans la région des grands lacs (FUP/GL). C’était lors d’un atelier de mise en place des stratégies locales sur le désarmement des hommes violents envers les femmes
Partout dans le monde,
des femmes sont chaque jour confrontées à des violences conjugales armées. Cette
triste réalité constitue une menace à la paix, à la sécurité et au
développement durable dans les familles.
Alors que dans la plupart
des pays les femmes dénoncent ces violences, le chemin est encore long au
Burundi. Ignace Niyonzima, consultant en lutte contre les armes légères et de
petits calibres, affirme que les femmes burundaises n’ont pas le courage de signaler
les cas dont elles sont victimes. Des barrières culturelles ne leur permettent
pas de révéler certaines choses sur leurs époux. L’expression kirundi « Niko
zubakwa », souvent utilisée par ces femmes, confirme le problème. Elle se
traduit : « Ne divulgue pas le secret de la famille».
Non-collaboration entre
conjoints, vente clandestine des récoltes, naissance de filles seulement dans
une famille, … c’est entre autres causes de violences selon le consultant. Certains
hommes, à cause de leur virilité, tiennent leurs femmes responsables de la
situation où naissent des filles répétitivement! Pour Niyonzima, cela
relève de l’ignorance ! Et au lieu de s’asseoir avec elles pour trouver un
compromis, poursuit-il, ils recourent aux armes à feu pour les frapper.
De
quel type d’arme parle-t-on ?
Il s’agit des fusils, des
grenades auxquelles s’ajoutent des armes blanches. L’article 606 du code pénal
burundais dispose que sont compris dans le mot « arme », toutes
machines, tous instruments, ustensiles ou autres objets tranchants, perçants ou
contondants dont on s’est saisi pour tuer, blesser ou frapper, même si on n’en
a pas fait usage. Ignace Niyonzima indique qu’avec la prolifération des armes
due aux moments douloureux de différentes guerres qu’a connues le Burundi, les
violences conjugales se sont accentuées. D’où le désarmement des hommes
violents envers les femmes s’avère nécessaire.
Briser
le silence
Kaze Ariane, représentante
légale de FUP/GL recommande aux femmes de dénoncer, sans peur, tout homme
qui leur est violent. « Au sein de notre association, nous encourageons
les femmes à ne pas rester dans le silence sur les violences armées qui leur
sont infligées par leurs époux. Nous les encourageons à vraiment briser le
tabou sur les violences armées conjugales ».
D’autre part, Kaze a aussi
un message pour les hommes. Elle conseille les hommes à s’associer aux femmes
pour prévenir, combattre et éliminer la prolifération illicite des armées légères
et de petits calibres. Et à lutter contre toutes formes de violence armée à
l’égard de la femme. A s’abstenir. Et les invite à passer par d’autres voies pour
trouver des solutions aux problèmes familiaux.
L’Administration
locale appelée à jouer son rôle
Selon Kaze Ariane, elle
devrait jouer son rôle majeur dans le désarmement des hommes violents envers les
femmes car ce sont les administratifs à la base qui sont proches des citoyens. Elle
rappelle qu’il est important de suivre de près les hommes qui passent tout leur
temps aux ligalas, à bavarder, à boire de l’alcool, … au lieu de se consacrer au
travail. Kaze voit en eux ceux-là même qui sont violents envers leurs femmes.
« Ce sont eux qui, après un certain temps, rentrent chez eux pour harceler
leurs femmes à l’aide des armes dont ils disposeraient », indique-t-elle. Et
d’ajouter : « Selon les psychologues, frapper une femme pendant la
grossesse ou lui faire du mal peut avoir des effets à long terme sur le
développement psychologique de son enfant, une situation qui conduit à
l’instabilité de la société parce que l’enfant issue de cette grossesse
reproduira souvent le même schéma que son père ». Pour la représentante, l’administration
doit décourager ce comportement.
Chef de sous-colline Karombo en commune de Mutimbuzi
Ntamakuriro Benjamin, chef de sous-colline Karombo en commune de
Mutimbuzi, zone de Rubirizi, fait savoir que même si les violences armées
conjugales ne sont pas nombreuses dans sa circonscription, l’administration ne
cesse de conseiller les hommes à ne pas posséder d’armes. Il indique qu’on
essaie d’expliquer à ces hommes les méfaits de posséder une arme à feu.
Remise
volontaire d’une arme, une attitude à encourager
Alexis Sindimwo
La population doit comprendre que la remise volontaire d’une arme est un acte noble. C’est ce que dit Alexis Sindimwo qui l’a déjà remise volontairement. Il a été membre d’un groupe armé pendant les années de guerre civile au Burundi. Après la démobilisation, il avait gardé son arme. Il témoigne qu’avant de la remettre, il était toujours tenté de l’utiliser pour intimider sa femme. « Quand tu as une arme à feu dans ta chambre, il est difficile de cohabiter pacifiquement avec ta femme ou l’entourage. Si un conflit éclate, la première idée qui te vient en tête est de t’en servir », révèle-t-il. « Pendant la période d’avant remise de mon arme, j’étais un homme turbulent. J’étais vraiment un homme de colère. Je savais qu’avec elle personne ne pouvais me vaincre », ajoute l’homme qui, néanmoins, menait une vie moins paisible.
Aujourd’hui, il vit dans
la paix et la tranquillité. Il appelle d’autres hommes qui possèdent encore des
armes de vouloir bien les remettre. « Ce sera une façon de vivre en
harmonie avec leurs femmes et barrer la route aux violences armées conjugales »,
leur dit-il. Pour Sindimwo, se procurer une arme à feu, c’est un problème
important qui mérite plus d’attention. « En fait, un propriétaire d’une
arme la garde chez-lui pensant qu’il va s’en servir pour se protéger.
Malheureusement, il y a de grandes probabilités qu’il l’utilise contre
quelqu’un de sa famille comme sa femme, plutôt que contre un agresseur ».
Les administratifs à la
base doivent donc, selon l’Association des femmes unies pour la paix dans la
région des grands lacs, s’engager à faire appliquer des lois spécifiques et à rendre la justice accessible aux
victimes de violences armées domestiques. Aussi, contribuer dans les activités
de sensibiliser les hommes sur les droits de la femme, sensibiliser les gens
aux risques associés à la présence de l’arme. Elle menace les familles. Comme
l’indique Ariane Kaze représentante légale de FUP/GL, la paix commence par la réduction
des armes au silence. Et les femmes doivent à tout moment informer les
autorités habilitées en cas de présence d’une arme à feu au domicile.
Notons que le 9 juillet
de chaque année, le monde célèbre la journée internationale de destruction des
armes, armes légères et de petits calibres (ALPC). Cette année au Burundi, la
journée a été célébrée à Mudubugu, dans la province de Bubanza. Le ministère de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et du Développement communautaire rapporte
212 fusils d’assaut, 831 grenades, 210 bombes, 157 détonateurs, 13 mines, 19 bouchons
allumeurs, 151 fusées et 3 grenades lacrymogènes détruits. La représentation de
l’FUP/GL était descendue sur les lieux.
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